Une prestation théâtrale pour l’Opéra de Gaga
Attente glaciale pour un retour brûlant
Qu’il est bon de retrouver le Bercy des grands soirs, celui qui promet des instants historiques. Pour ce quatrième concert parisien, l’Accor Arena est un véritable chaudron bouillant, contrastant avec le froid glacial qui règne à l’extérieur, proche de 0°C. Mais la météo hivernale n’a pas effrayé les Monsters. Armés de couvertures de survie, ils attendaient leur Mother depuis de longues heures dans le froid.
Il faut dire que Lady Gaga était attendue. Son dernier album, sorti en mars 2025 et porté par des prestations live spectaculaires, a déjà battu plusieurs records. D’abord, ses deux concerts à Coachella en avril, diffusés en direct sur YouTube, avaient laissé les fans sans voix face à une mise en scène décadente. Quelques semaines plus tard, son concert historique sur la plage de Rio de Janeiro la faisait entrer dans l’histoire comme l’artiste féminine s’étant produite devant le plus grand nombre de personnes : pas moins de 2 millions de spectateurs ce soir-là.
Alors, même si beaucoup avaient déjà vu les images de ce show monumental, vivre l’expérience en vrai, aux côtés de l’artiste, reste incomparable.
Le grand théâtre de la démesure
Pas de première partie, la scène est déjà dressée à l’arrivée du public. Des airs lyriques résonnent dans la salle et nous plongent immédiatement dans le décor. Nous sommes à l’opéra. Les détails, moulures, sculptures et textures rappellent les plus beaux théâtres du monde. Il n’en faut pas moins pour accueillir Lady Gaga.
Sur les écrans, des messages envoyés par le public défilent, provoquant déjà quelques réactions lorsque les fans se lancent dans des déclarations d’amour. Puis soudain, apparaît un nouveau correspondant qui répond à ces messages, Lady Gaga elle-même, amorçant progressivement son entrée en scène.

Après une longue lettre écrite à la plume, la lumière s’éteint : le show commence. Lady Gaga nous dévoile le Manifesto of Mayhem. La star surgit en haut d’une immense cage faisant office de robe, renfermant ses petits monstres, et enchaîne un premier tableau composé de tubes : Bloody Mary, Abracadabra, Judas, Scheiße… Le ton est donné. Poker Face est repris dans la foulée par un Bercy déchaîné, au point d’en être presque imperceptible derrière les cris du public.
Alors que l’on devine les premières larmes dans l’audience, commence sans doute le tableau le plus surprenant. Gaga apparaît à moitié enterrée dans le sable, entourée de ses danseurs qui émergent progressivement du sol sur Perfect Celebrity, avant d’enchaîner avec Disease, le premier single de l’album Mayhem. Celui que les fans avaient proclamé comme le grand retour de la Gaga des débuts, entre The Fame et The Fame Monster.
Ce qui rend les shows de Gaga extraordinaires, c’est cette puissance d’interprétation, cette capacité à créer un univers et à nous y plonger totalement. Bien sûr, la mise en scène, les costumes et les chorégraphies y jouent un rôle clé. Mais sa force réside aussi dans son jeu, dans les personnages qu’elle incarne tout au long du concert, donnant sens et profondeur à chaque mot de son immense répertoire.
Du rock aux hymnes queer, un voyage intense
Lady Gaga se balade entre les styles et les genres, offrant notamment un tableau rock avec ses musiciens, puis un tableau chorégraphié, avant d’arriver à l’hymne fédérateur Born This Way. Personne dans Bercy ne découvrait cette chanson ce soir-là.
Vient ensuite l’instant le plus intimiste : seule au piano, elle échange quelques mots avec le public. Dans ce show millimétré, c’est le moment où elle reprend le contrôle, rappelant qu’elle est aussi une grande musicienne, capable d’émouvoir profondément avec un simple piano-voix. La scène se fait sobre, la lumière se concentre sur elle, et le temps semble suspendu.
Après cet instant de grâce, la star s’offre même un bain de foule sur Vanish Into You, signant quelques autographes tout en poursuivant sa prestation.
L’iconique Bad Romance et un final théâtral
Alors que le show progresse, il manque toujours l’autre tube incontournable : Bad Romance. C’est le dernier tableau, à la mise en scène « gaguesque », qui lui est consacré. Gaga arrive sur un brancard, entourée de médecins médiévaux portant le fameux masque à bec, symbole de la peste. Il fallait au moins ça pour réanimer Lady Gaga, qui entonne son légendaire « Ra-ra, ah-ah-ah… Roma-roma-ma » sous les acclamations d’un Bercy conquis.
Détail rare et clin d’œil magnifique, un véritable générique de fin apparaît, listant l’ensemble de l’équipe, des danseurs aux traiteurs, mettant à l’honneur toute la production d’un show théâtral « Directed by Lady Gaga ».
Et quel show. Costumes, décors, illusions… mais c’est son « encore » qui marque le plus. Avant de nous quitter, Lady Gaga, démaquillée, perruque retirée, nous emmène dans les coulisses. Elle commence la dernière chanson depuis les backstage, dans les zones techniques, nous offrant une plongée dans l’envers du décor sur How Bad Do You Want Me, avant de revenir sur scène pour une révérence finale entourée de toute son équipe.

Celle qui avait surpris en interprétant Mon truc en plume de Zizi Jeanmaire lors de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 ne pouvait partir sans un clin d’œil à la France. Elle reprend La Vie en rose, les yeux humides, émue par l’amour du public parisien.
Clap de fin pour Lady Gaga à Paris. En ce 22 novembre, elle clôturait la partie européenne de sa tournée, avant, peut-être, un retour au Stade de France à l’été 2026, promis à une météo plus clémente, mais à un public toujours aussi brûlant.
Lady Gaga – The Mayhem Tour – Accor Arena, 22.11.25
Anne-Charlotte Villate
Photos : A-C.V. /DR