Behçet Türkekul, l’élégance de l’homme-orchestre

Behçet Türkekul, l’élégance de l’homme-orchestre

Il y a des disques qui passent entre les mailles du filet. Non par manque de qualité, mais parce qu’ils ne cherchent pas à faire de bruit. Des albums qui prennent le temps, qui s’écoutent d’un bloc, et qui gagnent à être redécouverts des années plus tard. L’un d’eux porte la signature discrète et exigeante de Behçet Türkekul.

Entièrement écrit, composé, interprété et arrangé par l’artiste, ce disque est une démonstration rare de cohérence musicale. De la batterie à la guitare, du piano au chant, tout y est joué par Behçet lui-même. Un véritable homme-orchestre, mais sans jamais tomber dans l’exercice de style. Ici, la virtuosité ne cherche pas à s’imposer : elle sert l’émotion.

Dès les premières mesures, les sonorités évoquent des réminiscences familières. On pense à la chaleur mélodique et à la précision rythmique de Phil Collins, à cette manière de laisser respirer les arrangements, de faire dialoguer la batterie avec la voix. On perçoit aussi, en filigrane, une sensibilité plus méditerranéenne, proche de Eros Ramazzotti, dans le goût des lignes vocales franches, sincères, jamais surjouées.

Mais l’album Zamanı Geldi ne se résume pas à un jeu d’influences. Il s’impose surtout par son unité. Chaque morceau trouve naturellement sa place, sans rupture ni démonstration inutile. L’ensemble s’écoute d’une traite, comme un voyage musical pensé dans sa globalité. Une harmonie rare, à l’heure des playlists fragmentées et des singles isolés.

Ce disque est aussi le reflet d’un tempérament. Ceux qui ont croisé Behçet Türkekul parlent d’un musicien toujours cool, accessible, prêt à rire comme à s’émouvoir devant toute forme d’art musical. Cette générosité transparaît dans la musique : une façon d’ouvrir des espaces, de laisser l’auditeur entrer, sans jamais lui forcer la main.

En parallèle de ses projets personnels, Behçet Türkekul a également mis son talent au service d’autres artistes, en tant que musicien et compositeur. Des collaborations qui ont affiné son sens de l’arrangement et de l’écoute, et qui expliquent sans doute cette capacité à penser la musique comme un ensemble vivant, organique, au service de la chanson.

Redécouvrir cet album aujourd’hui, c’est se rappeler qu’il existe encore des disques faits avec patience, exigence et humilité. Des œuvres qui ne cherchent pas l’esbroufe, mais la justesse. Et rendre hommage à un artiste complet, discret, pour qui la musique n’a jamais été une posture, mais un langage.

Zamanı Geldi, un disque à écouter tranquillement, du début à la fin. Et à laisser résonner.

Daniel Latif