Beyoncé au Stade de France : 3 soirées pour 1 mythe

« This ain’t Texas », it’s « Paris, France »
Nous n’étions pas au Texas ce jeudi 19 juin, mais bien aux abords du Stade de France, envahi pour l’occasion par une marée de cowboys et une chaleur écrasante, une atmosphère presque désertique, digne de l’ouest américain.
Pour le concert d’ouverture de sa série événement de trois dates à Paris, les fans étaient au rendez-vous. Et même bien en avance ! Beaucoup campaient déjà devant le stade 24 heures avant l’ouverture officielle des portes.
Car Beyoncé, ce n’est pas n’importe qui. Inutile de rappeler un palmarès si impressionnant qu’il mériterait un article à lui seul. Mais il est important de souligner qu’elle s’apprête à battre un nouveau record : devenir la première artiste étrangère à remplir trois fois d’affilée le Stade de France.
Et ce n’est pas surprenant quand on connaît son lien particulier avec la France. Un public sans doute parmi ses préférés et qui le lui rend bien.
Premier clin d’œil : le merch exclusif de Paris. Si chaque ville a eu droit à son t-shirt personnalisé, Paris hérite en supplément d’un modèle à l’effigie de Blue Ivy. La fille de Beyoncé participe une nouvelle fois à la tournée en tant que danseuse, deux ans après sa toute première apparition… déjà sur cette même scène. Sur le t-shirt ? L’inscription « Déjà Blue », un jeu de mots entre la nostalgie, le prénom de sa fille, et une référence à « Déjà Vu », l’un des morceaux culte de sa mère.
Le visible et l’invisible de Beyoncé
Avec Beyoncé, il y a ce qu’on voit… et ce qu’on ne voit pas. On voit le talent, l’investissement, la réussite. Mais on perçoit moins ce qui se cache derrière : l’intime, le politique, les références artistiques. Et ça, ses fans le savent : rien n’est jamais laissé au hasard. Des choix scénographiques aux interludes en passant par le merch, tout a une signification.
Les fans l’ont bien compris, et s’extasient à décrypter chaque message, à formuler des théories, à chercher du sens là où d’autres ne voient qu’un show. Et eux aussi, cette année encore, ont eu droit à leur dose de visible et d’invisible. Le visible : cette foule qui reprend en chœur chaque morceau, costumée en cowboys. L’invisible : l’attention et l’amour portés à la fabrication, souvent artisanale, de ces tenues. Le visible : les drapeaux Juneteenth brandis sur « Freedom », en commémoration de l’abolition de l’esclavage. L’invisible : les réseaux de fans qui, en amont, ont organisé cet happening, fait passer le mot, coordonné les efforts pour que ce moment de partage prenne vie.
American Requiem
Après une longue attente devant un écran affichant les couleurs du drapeau américain, les danseuses entrent sur scène. La foule retient son souffle… « Nothin’ really ends, for things to stay the same, they have to change again » chantent les choristes, et immédiatement, l’émotion saisit le public.
Quelques secondes plus tard, elle apparaît. Entrée triomphale. Larmes, cris, frissons : l’hystérie est collective.
Elle entame son « American Requiem » par : « It’s a lot of talkin’ goin’ on, while I sing my song ». Une référence directe à sa performance aux Country Music Awards en 2016, où elle avait été froidement accueillie, réveillant de vieilles blessures bien ancrées dans l’histoire des États-Unis.
Et c’est cette histoire qu’elle vient nous raconter. Celle d’une jeune Texane, jugée trop country, trop redneck, trop black à ses débuts, qui s’est tue, adaptée, mais qui n’a jamais cessé d’avancer. Une artiste qui n’a jamais accepté d’autre compétition qu’elle-même.
De « Blackbird » à « Freedom », en passant par « America Has a Problem », ou en réinterprétant l’hymne américain à la manière de Jimi Hendrix, Beyoncé nous ouvre les yeux sur des réalités brûlantes encore tristement d’actualité.
Et si l’album est bien plus complexe qu’un simple album country, comme beaucoup ont voulu le croire, il offre aussi des moments de douceur et d’introspection, comme sur « Protector », où, pour l’occasion, la petite dernière Rumi rejoint sa mère et sa sœur sur scène, dans un tableau émouvant, touchant par sa scénographie et la tendresse qui unit la famille.
Le concert nous en offre beaucoup d’ailleurs : des tableaux, des scénographies, des chorégraphies. Tout est mené d’une main de maître par une Beyoncé tantôt seule sur scène, tantôt accompagnée de son armée de danseurs, de ses célèbres Twins, ou encore s’élevant dans les airs pour ravir l’ensemble du stade y compris ceux qui n’avaient pas eu la chance d’avoir des places front row.
« Paris, y’all are the loudest »
La foule a bel et bien révisé et prend son rôle très à cœur. Pas une chanson n’est inconnue du public. Et Beyoncé le remarque. Comme pour remercier ce public parisien, elle confirme, presque sans surprise, une rumeur qui circulait depuis des mois : Miley Cyrus est bien présente ce soir. Et elle reçoit un accueil des plus chaleureux par un stade qui, même s’il s’y attendait, avait besoin de le voir pour y croire. C’est donc tout en harmonie qu’elles chanteront « II Most Wanted » et ce soir, elles l’étaient vraiment !
On aurait pu croire que c’était le clou du spectacle, qu’il serait impossible d’enchaîner après ça. C’est mal la connaître.
S’ensuit un sublime tableau sur « Daughter », où la robe de Beyoncé s’anime en accord avec les écrans, rendant la scène tout simplement magique. Au milieu du stade, elle reprend un extrait d’opéra et pour la seule fois du concert, le silence se fait. Le public est muet, suspendu à sa voix.
La scène et les écrans replongent dans le noir… soudain, quelques notes familières résonnent.
Car oui, Beyoncé connaît ses fans. Et oui, elle sait à quel point sa tournée précédente, Renaissance World Tour, est devenue une référence, un show qui a sa propre catégorie : UNIQUE. Toujours complice avec son public, elle offre un tableau entier de Renaissance, légèrement revisité à la sauce cowboy pour le plus grand plaisir de tous.
Un dernier interlude montre en images, les moments forts, drôles et iconiques de ses 30 ans de carrière. Une belle introduction à son avant-dernière chanson, « 16 Carriages », l’un de ses textes les plus intimes et assurément l’un des plus country : « At fifteen, the innocence was gone astray / Had to leave my home at an early age / I saw Mama prayin’, I saw Daddy grind / All my tender problems, had to leave behind. »
Elle l’interprétera dans les airs, à bord d’une Cadillac DeVille flanquée de drapeaux américains.
Avant de faire ses adieux, son dernier cri d’amour à l’Amérique résonnera sur « Amen » : « Mercy on me, baby, have mercy on me (Mercy, mercy) I see you hurtin’, see you, please, have mercy on me (Oh-oh, ooh) ». Le tout, devant une statue de la Liberté bâillonnée, son dernier message fort de la soirée.
Fin du concert. Beyoncé remercie chaleureusement ses fans, la Beyhive, et toutes ses équipes.
Et si elle pense qu’on ne la reverra pas de sitôt… elle se trompe. Nous avons encore deux rendez-vous à honorer : ce samedi, et ce dimanche.
Beyoncé – Cowboy Carter Tour – Stade de France, 19 juin 2025
Anne-Charlotte Villate